Intelligence artificielle : Un sommet à Montréal qui boude le français

Rédactrice en chef,  
CScience 

 

Le World Summit AI Americas vient d’entamer sa deuxième journée, avec, au programme, plusieurs conférenciers pour marteler le message : il y a urgence d’agir pour encadrer l’intelligence artificielle. Mais la réflexion collective est entièrement menée en anglais…

« L’intelligence artificielle est une technologie dont l’utilisation peut être géniale, mais aussi risquée », a déclaré hier le scientifique Yoshua Bengio, fondateur de l’Institut québécois en intelligence artificielle Mila, lors de l’ouverture du sommet au Palais des congrès de Montréal, qui se déroulait seulement en anglais.

« L’intelligence artificielle est une technologie dont l’utilisation peut être géniale, mais aussi risquée. »
– Yoshia Bengio, chercheur et fondateur de l’Institut québécois en intelligence artificielle Mila

M. Bengio a ajouté que cette mobilisation de l’écosystème, pour discuter des inquiétudes relevées, était « un moment important pour réfléchir aux risques de l’IA et à l’importance de légiférer en la matière ».


VALORISER LA SCIENCE EN FRANÇAIS

Pourtant, au cours de ce rendez-vous important de deux jours, on mène les échanges uniquement dans la langue de Shakespeare, reconnue comme étant celle qui domine le monde des affaires, sans pour autant être la seule à nourrir et faire rayonner le génie scientifique.

Car bien que la communauté, forte de 327 millions de francophones dans le monde, produise près d’un million d’articles scientifiques par année, dont plus de la moitié paraissent dans des revues de rang A (selon le secrétaire général de la Fédération des conseils arabes de la recherche scientifique, Abdelmajid Benamara, cité dans Le Devoir en 2022), il n’en demeure pas moins qu’ils le sont principalement en anglais.

Au Québec, des données de septembre 2022, émises par l’Observatoire des sciences et des technologies, indiquaient que les publications francophones ne représentaient que 0,6 % de la littérature scientifique publiée dans la province, contre 99,4 % d’articles anglophones.

« Nous faisons face à une appropriation terminologique qui a pour effet de concentrer l’enseignement et la recherche en IA uniquement en anglais. »
– Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec

Certes, les lois veillant à la protection de la langue française n’ont pas d’incidence sur l’industrie des congrès et des événements d’affaires. Pendant ce temps, sur un autre étage, en marge du World AI Summit, une autre rencontre importante mobilise une portion de l’écosystème de l’innovation technologique, celle de Cybereco, misant sur la thématique « Nous faisons tous.tes partie de la solution », et le fait d’organiser « le plus grand forum francophone et québécois du genre en cybersécurité ».

Car l’inclusion de la diversité, c’est aussi la reconnaissance de l’importance d’enrichir et diversifier les contenus scientifiques pour le moteur de croissance économique, afin de susciter l’intérêt pour la science auprès du grand public, tout en luttant contre la désinformation. Suivant cette logique, le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, n’en démord pas : « Nous faisons face à une appropriation terminologique qui a pour effet de concentrer l’enseignement et la recherche en IA uniquement en anglais. »

Rappelons que le 19 janvier dernier, l’éditeur DataFranca.org a lancé, en partenariat avec les Fonds de recherche du Québec et l’Office québécois de la langue française, l’outil de référence Les 101 mots de l’intelligence artificielle, qui se veut un glossaire des mots incontournables en IA.

« Ce livre, avec son application téléchargeable, constitue un outil à promouvoir auprès de la communauté scientifique et étudiante, de même qu’auprès des organismes et entreprises œuvrant dans le domaine de l’IA ou utilisant les produits de l’IA », propose M. Quirion.


UNE ÉMISSION C+CLAIR SUR LE SUJET

M. Quirion sera d’ailleurs l’un des invités d’honneur à l’émission C+Clair de la semaine prochaine, qui sera tournée dans le cadre du Forum la science en français au Québec et dans le monde, à voir sur notre plateforme CScience en rediffusion continue. Portant sur le thème « Science en français : pourquoi est-ce si utile ? », elle abordera les enjeux propres à la francophonie, au regard du rayonnement de la recherche, de la découvrabilité des contenus scientifiques, de la vulgarisation scientifique et de la mobilité internationale.

Intelligence artificielle : Un sommet à Montréal qui boude le français