L’Académie française dénonce les anglicismes

Par Aliénor Vinçotte  |  LE FIGARO

Il y a deux ans, les Immortels établissaient un rapport alarmant sur la présence massive du franglais dans la communication. Ils publient, ce 12 septembre, leurs conclusions dans un livre chez Plon.

Deux ans auparavant, l’Académie française tirait la sonnette d’alarme sur la présence massive du franglais dans la communication institutionnelle. En 2020, elle avait en effet constitué une commission, présidée par Gabriel de Broglie et composée d’Amin Maalouf, Florence Delay, Danièle Sallenave, Dominique Bona et Michael Edwards, qui était chargée d’étudier la communication institutionnelle en cours depuis quinze ans. Le rapport, publié en 2022, contenait les conclusions de la commission à ce sujet. Il est désormais disponible sous la forme d’un petit livre d’une centaine de pages, facile à lire, publié ce jeudi aux éditions Plon sous le titre N’ayons pas peur de parler français, Académie française : le rapport qui alerte. Bien que publié il y a plus de deux ans, il reste d’une actualité brûlante.

Car depuis la publication du rapport en 2022, force est de constater que les anglicismes pullulent toujours l’espace public. Malgré les efforts de la loi Toubon 1994 et les avertissements des Sages de l’Académie française, le franglais a toujours la cote dans la publicité ou dans la communication institutionnelle. La Poste propose toujours une «pickup station», les «French days» de la Fnac existent toujours, le département de la Sarthe n’a pas daigné changer son fameux slogan «Sarthe me up»… Les exemples tiennent sur une cinquantaine de pages et sont la preuve d’une évidente «anglicisation» du français.

Cela a pour conséquence d’aggraver la fracture sociale et générationnelle déjà présente au sein de la population française. Car cet «abus des anglicismes s’adresse essentiellement et injustement à une élite» dénonce l’académicienne Dominique Bona dans la préface du livre. Loin de rejeter l’apport de mots étrangers qui peuvent enrichir la langue française, les Immortels pointent surtout cette espèce de langue qui tient lieu d’anglais mais qui, en réalité, ressemble surtout à une sorte d’anglais au rabais. «Si l’apport de mots étrangers pour combler les lacunes patentes du lexique français est bienvenu – et parfois nécessaire -, on voit bien dès lors que leur afflux massif, instable, incontrôlé, porte atteinte à l’identité et éventuellement à l’avenir de notre langue, comme de la plupart des autres langues», écrivent-ils. Syntaxe bousculée, juxtaposition de mots, incidences sur la rédaction en français… La majorité des anglicismes présente dans les discours institutionnels n’ont en effet ni régularité, ni cohérence orthographique.

Or, comme le rappelle Dominique Bona, cette situation complique davantage l’apprentissage de notre langue alors que «plus de deux millions et demi de Français sont en situation d’illettrisme, et que de trop nombreux jeunes connaissent des difficultés de lecture». L’excuse de la présence de touristes étrangers ne passe plus face à cette dérive de la présence d’une sorte d’anglais dans les discours publics. D’ailleurs, ces derniers rient de nos drôles d’anglicismes. «Dans une période où l’on érige l’accessibilité en règle d’or, la dimension linguistique mérite sur ce plan une attention et une prise en compte tout aussi importantes et systématiques que les aspects techniques de lisibilité, par exemple, cinglent les Immortels. Tenir compte de la réalité sociale du pays est un impératif.»

Qu’en pensent les Français ? Dans une enquête réalisée en 2020 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), 47% des Français se déclaraient «agacés ou hostiles aux messages publicitaires comportant des mots en anglais». Ce livre est donc une piqûre de rappel à destination des entreprises et institutions qui sont encouragés par les Sages à saisir l’occasion «de dégager des tournures habituelles et neutres, conçues et formulées en puisant dans les vastes ressources existantes du français»«Il en est de la responsabilité, mais aussi de l’intérêt, de ceux qui disposent des canaux d’information et de diffusion de veiller à redonner à la communication institutionnelle la qualité et l’efficacité que l’ensemble des publics est en droit d’attente», concluent les Immortels.